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Capitaliser la pêche dans l’Économie Bleue en Afrique

Croissance bleue Reportages

Capitaliser la pêche dans l’Économie Bleue en Afrique

Naoufel Haddad
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Par André NAOUSSI, Journaliste, Coordonnateur de l’OMPDA-MOSFA

L’exploitation effrénée des ressources halieutiques fait peser de réelles menaces sur la durabilité de l’économie bleue en Afrique, y compris dans la zone COMHAFAT baignée par l’océan Atlantique. Des mesures urgentes et concertées s’imposent pour assurer le renouvellement des stocks et leur pérennité.

Avec 70% des pays du continent ayant des côtes territoriales et de vastes zones économiques exclusives (ZEE), l’Afrique figure parmi les continents les plus dotés du monde en ressources océaniques avec un large potentiel, pour le développement économique. Connue désormais sous le nom d’économie bleue, l’économie des océans et autres plans d’eau du monde, fait désormais partie intégrante du discours mondial sur le progrès économique et la conservation des ressources naturelles.

Pour l’Afrique, le secteur de la pêche est considéré comme l’une des plus importantes composantes de l’économie bleue, car il a produit certaines des actions d’économie bleue les plus réussies jusqu’à présent, en assurant particulièrement la nutrition et des moyens de subsistance aux populations, ainsi que des gains économiques.

Pressions sur les ressources

Cependant, les ressources halieutiques et leur environnement sont soumis à d’énormes pressions de divers types (surcapacités, méthodes de pêche destructrices, pêche INN, pollution, développement côtier, changement climatique…).

L’économie bleue offre alors au continent, une opportunité pour l’atténuation des pressions grâce au développement d’une pêche durable. C’est dans le cadre d’une contribution à ces efforts pour le développement du secteur de la pêche en Afrique, en vue d’une économie bleue durable, que la COMHAFAT a organisé une visioconférence le 27 janvier 2022, en collaboration avec le Centre for Coastal Management (CCM) – Africa Centre of Excellence in Coastal Resillience (ACECoR, Université de Cape Coast, au Ghana), sous le thème : ‘’Le plein potentiel du secteur de la pêche et la promesse d’une économie bleue durable’’.

En plantant le décor, le Secrétaire Exécutif de la COMHAFAT (Conférence ministérielle sur la Coopération halieutique entre États africains riverains de l’océan Atlantique), M. Abdelouahed Benabbou, a souligné l’ambition de cette visioconférence : «Voir comment concilier l’exploitation des ressources halieutiques dans les eaux de la région avec l’obligation de pêcher de manière responsable».

Paramètres de l’Économie Bleue

Le concept nouveau de ‘’l’économie bleue’’ connait des définitions variables. Généralement, l’on s’accorde sur celle qu’en donne la Banque mondiale : “L’utilisation durable des ressources océaniques pour la croissance économique, l’amélioration des moyens de subsistance et des emplois tout en préservant la santé de l’écosystème océanique”. Les activités qui la composent doivent remplir trois conditions majeures : offrir des avantages sociaux et économiques aux générations actuelles et futures ; restaurer, protéger et maintenir la diversité, la productivité, la résilience, et la valeur intrinsèque des écosystèmes marins ; utiliser des technologies propres, des énergies renouvelables et des flux de matériaux circulaires qui réduiront les déchets et favoriseront le recyclage des matériaux.

S’inspirant de ces divers paramètres, l’Union Africaine a élaboré une Stratégie africaine pour l’économie bleue (acronyme anglais ‘’ABES, African Blue Economy Strategy’’), adoptée par son Conseil Exécutif en 2020. L’ABES a identifié cinq domaines thématiques : pêche, aquaculture, conservation et écosystèmes aquatiques durables ; transport, commerce, ports ; tourisme côtier et maritime, changement climatique, résilience, environnement ; ressources énergétiques et minérales durables ; politiques, institutions et gouvernance. L’exécution de cet ambitieux projet nécessite une stratégie globale et cohérente, ainsi que des politiques coordonnées et harmonisées aux niveaux national, régional et continental.

Gestion intégrée

Il est évident que l’absence de stratégies et de coordination fait le lit des fléaux qui minent l’économie bleue en Afrique, notamment la pêche illégale, l’installation anarchique des populations le long des côtes, la surpêche, les activités minières en mer et en côte (pétrole et gaz), l’élimination des déchets vers les eaux. En Afrique de l’Ouest par exemple, la pêche INN (Illégale, Non déclarée et Non réglementée) équivaut à 40 % à 65 % des captures légalement déclarées. En y ajoutant des techniques de pêche dangereuses, on aboutit à des dégâts hautement préoccupants : déclin des stocks de poissons, perte de la biodiversité, destruction des habitats marins, érosion côtière…

La gestion intégrée est l’une des solutions envisagées pour endiguer le phénomène. Cette démarche met en commun les acteurs qui interviennent dans la législation, l’exploitation, la surveillance, la transformation, la gouvernance, la commercialisation, la recherche scientifique, l’usage des technologies nouvelles. Dans cet esprit, l’on pourrait multiplier des Aires marines protégées (AMP), et y instaurer une gouvernance rigoureuse assise sur des socles admis de tous.

Opportunités multiples

Une exploitation inclusive libérerait ainsi le plein potentiel de tous les acteurs, dans toute la chaine de valeur de la pêche et de l’aquaculture, avec une attention particulière pour la durabilité des ressources et la protection des écosystèmes. Il faudrait l’optimiser par des actions fortes, dont quelques-unes sont mises en exergue : renforcer les entreprises d’autonomisation des femmes et des jeunes ; identifier et encourager des chaines de valeur régionales ; tirer parti du secteur de la mariculture et des activités océaniques émergentes ; investir dans les infrastructures (ports, routes, chambres froides) ; renforcer la valeur ajoutée avant exportation. 

Outre les espèces classiques, une gestion planifiée mettra en lumière les nombreuses opportunités faiblement capitalisées pour l’instant. Ainsi par exemple, dans les côtes peu profondes l’aquaculture peut se focaliser sur les coquillages et les huîtres. Au-delà de la consommation, certains produits de mer et de côte sont très demandés par les touristes et le marché international pour leur valeur purement ornementale.

Procédures harmonisées  

Pris isolément, les États ne pourront pas tirer amplement profit l’exploitation optimale et durable de leurs ressources halieutiques. Une fois de plus, on les exhorte à partager leurs expériences et leurs moyens, et à mettre en harmonie leurs législations (dont le caractère disparate permet aux pirates d’échapper aux mailles du filet). Ils peuvent commencer par intégrer dans les législations nationales et veiller à l’application effective des instruments juridiques internationaux qu’ils ont signés.

Pareillement, les directives de l’ABES devraient se retrouver dans les dispositifs nationaux et régionaux, en droite ligne de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.

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