Pêcheurs artisanaux : cap sur le social

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Par André Naoussi, à Tanger (Maroc)

 

Travail décent, sécurité sociale, protection sanitaire, égalité hommes-femmes, systèmes alimentaires durables, cogestion, résilience. Le menu de la pêche et de l’aquaculture artisanales dégageait une saveur très ‘’sociale’’ à Tanger le mercredi 23 février, au deuxième jour de l’atelier organisé par la COMHAFAT.

Il parle avec compétence et passion de «développement socioéconomique inclusif dans la pêche et l’aquaculture», M. Chérif Toueilib. Par visioconférence, cet expert de la FAO s’appuie sur le chapitre 6 des Directives volontaires sur la pêche artisanale (DPA, adopté en 2014), pour démontrer la nécessité d’assurer le développement et le travail décent chez les pêcheurs artisanaux, acteurs essentiellement vulnérables. Faute de quoi, ceux-ci risquent de se retourner vers des «stratégies négatives d’adaptation» : pêche illégale et désordonnée, dégradation de l’environnement, déscolarisation des enfants, emprunts à taux élevés, entre autres. La pandémie du Covid-19 a particulièrement sonné l’alerte sur l’impérieuse nécessité d’anticiper les moyens de résilience des couches vulnérables face aux chocs sanitaires, sociaux, environnementaux.

Points de débarquement aménagés (PDA) 

Pour les pêcheurs artisanaux, l’une des solutions idoines consiste en la multiplication des Points de débarquement aménagés (PDA). Espaces de chute des captures, de conservation, de transformation sommaire, de commercialisation et de transport, les PDA sont également des «lieux de vie» pour un brassage social bénéfique à tous.

Des repaires aussi où les décideurs peuvent rencontrer facilement leurs cibles pour faire passer les messages sur la gestion durable des pêches, dont l’un des aspects, la «reconnaissance des droits identiques aux hommes et aux femmes», a été développé avec une passion communicative par Mme Hayat Assara de la COMHAFAT. Si les hommes sont nombreux en mer, les femmes, elles, occupent plus de la moitié de la chaine post-capture. Pourtant, leur rôle demeure minoré à cause de barrières culturelles, économiques, juridiques, psychologiques, sociales. Même dans les PDA elles ont de la peine à se faire une place. Faire tomber ces barrières devient alors un combat de tous dans l’intérêt de tous.

 

Systèmes alimentaires durables 

D’autant que les femmes jouent un rôle crucial et irremplaçable dans la transformation des produits de pêche, que ce soit pour la commercialisation ou la consommation humaine. Leurs petites mains sont indispensables dans la promotion d’une alimentation saine en vue de construire des «systèmes alimentaires durables» dont les ressorts ont été développés par M. Rachid Regragui de la Comhafat.

Qui dit système, dit interactions. Celles-ci constituent le nœud du processus de «résilience», qui permet aux communautés de résister aux chocs et catastrophes. Intervenant en visioconférence de Rome, M. Houssam Hamza, de la Commission générale des pêches de la Méditerranée (CGPM), s’est appesanti sur les conditions idoines d’accompagnement des pêcheurs artisanaux en cas de survenance d’événements graves et imprévus comme les pandémies (Covid-19), les catastrophes naturelles (séismes, inondations, etc.). Il plaide alors pour une gouvernance de qualité, et un «investissement responsable» (respect de l’environnement, création d’emplois locaux durables, protection sociale).

Engagements mutuels 

Une note d’espoir enveloppe la fin de cette seconde journée. Le lendemain, les participants seront mieux édifiés, par une descente de terrain sur un PDA à une trentaine de km de Tanger. Ils pourront alors affiner les engagements mutuels qu’ils ont pris pour œuvrer à l’amélioration des conditions des pêcheurs artisanaux à travers leurs États et institutions. Mme Majida Maarouf, Présidente du Réseau africain des institutions chargées du développement et de la promotion de l’aquaculture (RAFAQUA), créé en octobre 2021, assure que son institution est déjà avancée dans son premier défi qui consiste en un état des lieux du secteur.

Dans les Recommandations de l’Atelier, l’on note, entre autres, le besoin d’assurer «un accès sécurisé des pêcheurs artisans aux ressources halieutiques», de promouvoir «la place des femmes dans la pêche et l’aquaculture artisanales africaines», de protéger cette activité de la compétition inéquitable avec «d’autres secteurs de l’économie bleue», et d’assurer «une meilleure visibilité des réalisations et des attentes de la pêche et de l’aquaculture artisanales des États membres de la COMHAFAT». Sur ce dernier point, l’auteur des présentes lignes, Coordonnateur de l’Observatoire des médias pour une pêche durable en Afrique (OMPDA), a réaffirmé la disponibilité de son réseau à accompagner cette visibilité par des actions multiples d’information et de communication.

Il faut rendre ces recommandations concrètes. Place à l’action, lâchez les amarres !